Une simple cible en paille, plantée au milieu de la plaine paisible. A distance, un jeune archer, prêt à décocher son énième tir du jour. Et juste derrière lui, un observateur nonchalant, dos posé contre un vieux pommier et visage caché par son large chapeau. Pas un son n’accompagne le bruit du vent à cet instant, comme si toute la plaine attendait le troisième coup d’un brigadier théâtral.
Le jeune archer soulève la tête et se met en posture de tir. Bras et corde tendus, il ajuste sa position face à la cible immobile en respirant doucement. Après une dernière inspiration, il stabilisa subitement son corps et décocha sa flèche.
En plein dans le mille.
“Zut ! Encore raté…”
Bien que la flèche ait atteint le centre de la cible en paille, l’archer ne semblait guère satisfait de son résultat. Il relâcha sa posture en faisant tomber ses épaules, l’air un peu épuisé. L’observateur quitta son arbre-dossier et s’approcha de l’archer.
“Tu t’en sors très bien ! Ne sois pas trop dur avec toi-même, tu as atteint ta cible !” s’exclama le ranger. Le jeune homme à l’air enthousiaste donna un coup de paume familier à l’épaule de l’archer qui manqua de tomber. L’encouragement ne semblait pas motiver le tireur débutant.
“Oui, mais il me manque quelque chose, je ne sais pas trop quoi…” L’archer posa son arc à terre et commença une introspection à bras croisés. Sa moue boudeuse fit ricaner le ranger qui récupéra l’arc d’entraînement.
“Observe-moi bien.”
L’archer lève les yeux vers le ranger qui avait alors pris une pose étrange : Avec l’arc tenu dans une main, il faisait virevolter une flèche avec l’autre main, de manière totalement ostentatoire, presque spectaculaire. Le garçonnet intrigué observe les acrobaties de la flèche.
Soudain, le ranger lance la flèche plus haut dans les airs, et l’archer suit la flèche des yeux avec surprise. Mais se rappelant de l’ordre du ranger, il se rattrapa et replaça son regard où l’archer était censé être, mais ce dernier s’était volatilisé.
Pris d’étonnement, l’archer fût encore pris à revers par une brusque bourrasque qui le secoua un peu. Il leva rapidement son regard vers le ciel, dans la direction du vent, et y vit le ranger qui avait promptement atteint les airs, position tête en bas, flèche rattrapée et cochée dans l’arc, lui-même tendu vers la cible.
“Repose en pièces !”
En plein dans le mille.
La cible était soufflée par la vitesse de la flèche et la paille éparpillée un peu partout sur les plaines. Le jeune archer, laissé bouche bée par la prouesse du ranger, se vit rendre l’arc d’entraînement par le ranger au sourire éclatant d’assurance.
“Aie confiance en ta technique, petit, et plus rien ne t’arrêtera !”